1815 La lampe de
sécurité de mineur inventée par Humphry Davy

L’explosion du grisou dans les mines, provoquée par les flammes des lampes à huile, fut à l’origine de très nombreux accidents et causa des centaines de morts. Cette explosion comportait un double danger: le gaz méthane et la poussière de charbon. Lorsque le méthane explosait, cette explosion était généralement suivie par une explosion de poussières beaucoup plus violente (le coup de poussier), due à l’inflammation du nuage de poussière de charbon produit par l’explosion initiale.
La plus ancienne tragédie répertoriée, mais certainement pas la première, fut celle de la fosse du Barbeau de Wez, près de Liège en Belgique, qui, en 1514, fit 94 victimes.
La première solution fut d’embaucher des mineurs, volontaires et mieux payés, pour enflammer les gaz chaque jour. Le grisou était « allumé » avant l’arrivée des mineurs A cet effet, un ouvrier appelé pénitent (à cause du costume dont il était revêtu) ou canonnier, couvert de vêtements mouillés, en cuir ou en tissu, le visage protégé par un masque muni de hublots en verre, porteur d’une chandelle allumée était chargé d’enflammer les poches grisouteuses, le plus souvent situées dans la partie supérieure des galeries.
Alphonse Meugy dans son ouvrage “Historique des Mines de Rive-de-Gier” (1848) décrit la manière d’opérer: ” Deux ouvriers, dit canonniers, descendaient dans les travaux quelques heures avant leurs camarades, avec des habits de fortes toiles, et la tête couverte d’une espèce de capuchon. Ils avançaient à une certaine distance des fronts de taille et tandis que l’un d’eux se tenait caché dans une galerie voisine, l’autre armée d’une perche portant une mèche allumée à son extrémité, s’approchait en rampant, jusqu’à ce que la flamme de la mèche commençât à s’allonger. Alors il s’allongeait face contre terre après avoir mouillé ses vêtements et élevait la perche jusqu’au faîte de l’excavation. Il se produisait une détonation qui avait souvent pour effet de blesser grièvement le canonnier. Celui-ci était secouru par son camarade.”
Il fut aussi utilisé des poneys portant une bougie allumée. Les poneys étaient arrosés d’eau et envoyés dans les galeries dans l’espoir de créer de très petites explosions.
A la suite de nombreux accidents, l’anglais Humphry Davy découvre, en 1815, qu’une flamme enfermée dans un maillage très fin n’enflamme pas le grisou. La pratique du « pénitent » ou « canonnier » fut progressivement proscrite dans les mines vers 1835, après l’utilisation quasi universelle en France de la lampe Davy vers 1823.
Cette lampe, qui fut appelée en France la Davyne, paraissait devoir offrir toutes les garanties désirables de sûreté contre l’inflammation du grisou mais de nombreuses
explosions, survenues dans les houillères où cette lampe avait été introduite, démontrèrent bientôt qu’elle n’était pas exempte de défauts, et qu’elle ne pouvait que diminuer les chances d’explosions, sans les empêcher dans tous les cas. En particulier, elle avait les défauts suivants:
-L’inflammation d’un mélange d’air et d’hydrogène carboné peut se faire, à travers la toile métallique, dans les galeries où il y a un courant d’air rapide, parce que, alors, la flamme de la lampe rougit les mailles ou passe à travers.
-Le moindre choc peut déformer, déchirer ou même ouvrir les mailles, et rendre ainsi la lampe inefficace.
-Les mailles du tissu métallique, en contact avec le réservoir à l’huile, se graissent bientôt, retiennent la poussière du combustible, qui forme ainsi une pâte qui peut
s’enflammer, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur.

1842 La lampe de mineur Mueseler

En 1842 le Liégeois Mathieu-Louis Mueseler inventa une lampe qui possédait les avantages suivants :
-elle s’éteint promptement quand il y a abondance de gaz explosifs, même dans un mélange avec l’hydrogène pur.
-elle éclaire mieux, peut être placée loin de l’ouvrier et à l’abri des instruments, et convient surtout dans les galeries à forts courants d’air.
-Les toiles métalliques, étant éloignées du réservoir, ne s’imprègnent pas d’huile; il n’y a qu’une poussière sèche qui puisse y adhérer et qui s’enlève facilement.
-Elle est munie de deux toiles métalliques, l’une horizontale, l’autre verticale, de telle sorte qu’il en reste une intacte quand la seconde vient à être déchirée;
-Enfin le courant d’air, pour activer la combustion, se fait de haut en bas, au lieu de se faire latéralement, disposition qui lui donne sur toutes les autres lampes de sûreté l’inappréciable avantage de s’éteindre subitement quand l’air est chargé d’assez d’hydrogène carboné pour constituer un mélange détonant.
Cette lampe se propagea dans le bassin de Seraing et dans les autres centres charbonniers de Belgique, et en 1864 son emploi fut prescrit par le gouvernement belge. Elle fut ensuite adoptée dans un certain nombre de mines en France et en Angleterre
L’éclairage des mineurs devint plus sûr. L’emploi de ces lampes resta cependant lié au respect de consignes de sécurité, et nombreux furent les accidents qui découlèrent d’imprudences humaines. En voici un exemple, dont l’un de mes ancêtres, Auguste Joseph Jumeau, fut une des victimes:
Le Samedi 6 mars 1852, au puits « Ferrand » à Elouges dans le Borinage (Belgique), l’équipe du matin venait de descendre dans les galeries, c’était la dernière journée de travail dans cette mine, car celle-ci devait être arrêtée pour permettre des travaux de modernisation et de sécurité. Le puits, d’un diamètre restreint ne permettait que la circulation de 2 cuffats (gros tonneaux utilisés pour la remontée du charbon et la circulation des hommes) attachés à des cordes de chanvre.
À 20 mètres de l’accrochage, à l’entrée d’une galerie, se trouvait un réservoir contenant l’eau nécessaire aux chevaux de la mine. Vers 10 heures du matin, l’ouvrier chargé de soigner les chevaux alla y puiser de l’eau. Comme la lampe ne l’éclairait pas assez (Vraisemblablement une lampe de type Davy), il commit l’imprudence d’ouvrir celle-ci. A peine la flamme fut-elle en contact de l’atmosphère qu’une explosion ébranla la mine. Le soigneur de chevaux fut projeté contre une paroi et fut horriblement brûlé. Il en réchappa toutefois. Ses nombreux compagnons furent moins heureux: 63 mineurs, hommes, femmes et enfants furent tués.

1862 Lampe électrique de mineur Dumas et Benoît

Un risque restait encore à résoudre, celui de l’allumage de la lampe, qui obligeait à remonter celle-ci hors du puits lors d’une extinction accidentelle.
Dès les années 1890, lorsque le pétrole eut remplacé l’huile dans les lampes, des systèmes d’allumage électrique pour les lampes de mineurs furent testés, comportant des boitiers fermés ne laissant pas passer la flamme. (Brevet de William Ackroyd, de Morley, Angleterre).
Les premières lampes électriques portatives à piles proposées à l’Académie des Sciences de Paris en 1862 par MM. Dumas et Benoît contrairement aux premières espérances qui présentaient leur tube éclairant enfermé dans un tube fermé comme ne redoutant pas l’inflammation du grisou, ne répondaient absolument pas aux exigences de sécurité.
(Présentées dans la revue du Génie Industriel, en Juillet 1863)

1884 Lampe électrique de Cad

En 1884, l’anglais Théophilus Cad, de Forest Gate en Angleterre, invente une lampe électrique dont l’interrupteur est enfermé dans ce qui peut être considéré comme la première enveloppe antidéflagrante électrique (Brevet Anglais N°806 du 5 Janvier 1884).
Timidement utilisées à partir de 1890, les lampes électriques ne se développèrent que très progressivement entre 1920 et 1930.

 

Mais peu de temps après l’introduction de la distribution de l’électricité dans les mines de charbon, il fut aussi découvert que des explosions mortelles pourraient être initiées par les équipements électriques fixes tels que l’éclairage, les signaux ou des moteurs.
Vers 1910, des systèmes de signalisation fonctionnant en 12Volts continu considérés comme sûrs apparurent. Cependant, en Octobre 1913, eut lieu l’explosion la plus importante des mines britanniques, celle de Senghenydd Colliery ou 439 mineurs périrent Il fut suspecté un système d’alarme, composé de deux fils dénudés parallèles qui couraient le long des galeries, et qui permettait à tout mineur souhaitant signaler un problème à la surface de le faire en mettant en contact momentanément les deux fils avec un outil métallique. Malgré la basse tension utilisée, l’inductance des bobines de la sonnette, provoquait une étincelle, ce qui fut vraisemblablement la cause de l’explosion. Il fut ensuite déterminé que ces produits pourraient être sécurisés par une conception soignée, ancêtre de la « sécurité intrinsèque ». A la suite de cette catastrophe, les mineurs demandèrent le retrait du matériel électrique des mines. Commencèrent alors à se développer des appareils électriques dits « Antidéflagrants », dont les étincelles ne pouvaient se produire que dans une enveloppe de protection qui n’enflammeraient pas les gaz environnants.

 

En 1923, aux USA, la notion de localisation des zones dangereuses (classifiées) fut éditée dans le National Electrical Code (NEC) dans un article intitulé «Emplacements extra-dangereux”. Cet article définissait des pièces ou compartiments dans lesquels des gaz inflammables, liquides, mélanges ou autres substances étaient fabriqués, utilisés ou stockés. En 1931, une classification des zones dangereuses comportant une Classe I, une Classe II, etc, fut définie.

En 1930, toujours aux USA, le règlement Schedule 2 relatif au matériel électrique, paru le 3 Février, classa les différentes parties électriques en fonction de leur capacité à produire des étincelles et spécifia le type de boîtier qui devait être utilisé pour chaque classe. Ce règlement requit qu’une partie qui peut produire des étincelles pendant le fonctionnement normal devait être enfermée dans une enveloppe antidéflagrante, de telle manière qu’une explosion de gaz dans ce boîtier ne puisse pas enflammer le gaz entourant le boitier ou produire des flammes par les joints, roulements, ou les entrées de câble. Il fut développé des procédures de vérifications permettant de déterminer par essai et inspection si les boîtiers étaient adaptés à leur application. La sécurité antidéflagrante y fut vérifiée par des tests dans lesquels le gaz est enflammé dans les enveloppes. D’autres tests furent prévus afin de vérifier l’adéquation des habilitations électriques et l’isolation. En plus des tests, une inspection détaillée de pièces, y compris une vérification minutieuse des plans et des spécifications était faite. La classification en catégorie I, II, etc, pour les endroits dangereux y fut définie. La description de ces équipements de test, et des méthodes fut donnée par le Bulletin du Bureau des Mines N°305, publié en 1929. (Bureau of Mines Bulletin 305, Inspection and Testing of Mine-Type Electrical Equipment for Permissibility)

 

En Europe, les premières normes allemandes sur «La protection des installations électriques dans les zones dangereuses “, furent publiés en 1935, et donnaient les lignes directrices pour l’installation d’équipements électriques dans les zones dangereuses. En 1938 apparut un changement fondamental, divisant les exigences d’installation (VDE 0165) et les exigences de conception de produits (VDE 0170 / 0171).
Les normes de conception de produits inclurent les types de protection de base contre les explosions tels que les boîtiers antidéflagrants, l’immersion dans l’huile et la sécurité augmentée. Les composants ont été conçus pour être protégés contre les explosions et logés dans des boîtiers de type industriel qui étaient résistants aux intempéries. Cela a conduit à la mise au point de composants antidéflagrants monté à l’intérieur de boîtiers à sécurité augmentée. Les appareils conçus selon cette norme furent marqués par le symbole (Ex ).
Dans les années 1960, la communauté européenne a été fondée pour établir une zone de libre-échange en Europe. En conséquence, l’Organisation européenne pour la normalisation électrotechnique (CENELEC) a été créée. Un nouvel ensemble de normes européennes décrivant les appareils destinés aux milieux explosifs (EN 50014 – EN 50020), fut publié en 1972. En 1975, la première directive de l’UE pour les appareils utilisés dans des zones dangereuses, dite ” Directive sur la protection contre les explosions “, a été publiée.
En 1978, la première édition des normes européennes a été publiée par le CENELEC qui couvrait les techniques d’installation.

 

Les normes CEI actuellement en vigueur en 2014 pour le matériel destiné aux
ambiances explosibles sont
-CEI 60079-1: Enveloppes antidéflagrantes «d»;
– CEI 60079-2: Enveloppes à surpression interne «p»;
– CEI 60079-5: Remplissage pulvérulent «q»;
– CEI 60079-6: Immersion dans l’huile «o»;
– CEI 60079-7: Sécurité augmentée «e»;
– CEI 60079-11: Sécurité intrinsèque «i»;
– CEI 60079-15: Mode de protection «n»;
– CEI 60079-18: Encapsulage «m».
Elles sont complétées par les normes suivantes relatives aux matériels:
– CEI 60079-25
– CEI 60079-26
– CEI 62013-1
– CEI 62086-1.
Lors de leur transcription en normes européennes, le préfixe CEI est remplacé par EN.